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A v r i l
je sais qu’il ya un pays où la mer se retire
des plages qui apparaissent à la force du reflux
et où les nuages font verdir les dunes et
les éclaircis pousser des euphorbes arc en ciel sur le dos crémeux du littoral
la silice est le socle commun à ce pays
la sillice et la vase
il en va de l’écume comme des oiseaux
ils effilochent le regard
à peine le temps de les apercevoir se poser qu’ils s’amenuisent à contre jour
des bulles de sables éclatent sourdement dans les gosiers non humains de l’estran
puis tout contre la nuit à nouveau dénudée les symphonies limicoles hantent la grève
ce matin nous étions loin de ce pays le figuier et moi
une friche coincée entre la gare et une marina pour yacht
des chais à vin squattés par des sans abris polonais jouxtant des succursales obscures de commerce international
coté quai l’épave flottante du rio tagus
derrière ce bâtiment flottant plein d’amiante
le cra vidé de ses séquestrés
ambiance tropicale sous cette bruine tiédasse
mais en place de ficus géants ou autre papayes endémiques
je foule aux pieds
de l’anacycle en massue
du rapistre rugueux
du plantain en spirale
des becs-de-grue-maritime
des chardons
des urospermes de dalé
du laiteron délicat
et
posé sur son glacis de béton
les troncs luisants
un figuier majestueux
autel entrelacs de dons hétéroclites
des cannettes des bières forte
des culottes en coton
des bombes de peintures
les flics n’auront pas l’idée de venir nous empêcher de faire une partie de foot géante ici
si ?
qu’est-ce qu’on est sages quand même
je sais qu’il y a un paysage nommé estran
d’où partirent les bateaux négriers descendant à vide vers l’Afrique de l’ouest
remplissant les cales de bois arrachés aux foret
et arrachant des hommes des femmes et des enfant auxquels ils enchainèrent les pieds
deux à deux
poussés dans la cale pour une traversée transatlantique de plusieurs semaines
marchandises non humaines et humaines mais marchandises avant tout
ces côtes atlantiques où furent ériger le code noir
où furent ériger des villes portuaires grâce à la domination totale d’humains blancs sur d’autres humains
et ce pendant des siècles
je sais que c’est là le pays où la mer se retire et reviens
et c’est là
d’où je viens
p i e r r e